Une Acadie tournée vers l’avenir

Rédigé par Marie-Claude Rioux
Pour les Rendez-vous de la Francophonie 2021


La déportation des Acadiens, comme nous l’avons vu dans les deux derniers éditoriaux, laissera de nombreuses cicatrices, voire des plaies béantes, et il faudra bien des années avant que les Acadiens ne se retrouvent entre eux afin de mettre en chantier des revendications et des projets collectifs.

La première Convention nationale acadienne aura lieu à Memramcook, au Nouveau‑Brunswick, en juillet 1881, soit près de 150 ans après la déportation. Suivront celles de Miscouche à l’Île‑du‑Prince‑Édouard, de Pointe-de-l’Église et d’Arichat en Nouvelle‑Écosse et bien d’autres, jusqu’en 1979. Ces conventions permettront aux Acadiens de se choisir une fête nationale, un drapeau, un hymne et une devise ainsi que de revendiquer une éducation en français dans les écoles acadiennes, un évêque acadien et une meilleure représentation politique des Acadiens. Elles favoriseront également l’essor d’un réseau de coopératives. Si ces retrouvailles étaient nécessaires dans un premier temps pour regrouper les Acadiens des provinces maritimes autour de projets collectifs, les Acadiens se tourneront peu à peu vers l’international pour créer des liens avec la Belgique et la France, puis avec d’autres pays de la Francophonie mondiale. Dès 1968, des délégués de l’Acadie, en l’occurrence messieurs Léon Richard, Gilbert Finn, Adélard Savoie et Euclide Daigle, obtiendront une audience auprès du général de Gaulle. Des présidents français se déplaceront par la suite en terre d’Acadie.

Cependant, la véritable légitimité de la place de l’Acadie autour de la grande table de la Francophonie sera confirmée d’abord par le secrétaire général de l’ONU, monsieur Boutros Boutros-Ghali, lors du premier Congrès mondial acadien en 1994. Ce dernier sera le premier à reconnaître l’Acadie de façon officielle en tant que peuple. C’est sans hésiter que les Acadiens le surnommeront monsieur Boudreau Boudreau-Gallant en signe d’appréciation et d’inclusion, Boudreau et Gallant étant des noms bien connus en Acadie.

En 1999, c’était au tour de monsieur Abdou Diouf, ancien secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie, d’affirmer que « l’Acadie tire la Francophonie vers le haut » lors du Sommet de la Francophonie de Moncton.

Cette existence en tant que peuple et membre à part entière de la Francophonie sera confirmée en 2005 par l’acceptation de la Société nationale de l’Acadie, organisme porte-parole du peuple acadien, en tant qu’organisation internationale non gouvernementale consultative de l’Organisation internationale de la Francophonie. De ce fait, le peuple acadien était accepté dans la cour des grands.

Créée en 1881 lors de la première Convention nationale acadienne, la Société nationale de l’Acadie favorisera, entre autres, la création d’organismes porte-parole provinciaux comme la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse, la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick et la Société acadienne et francophone de l’Île-du-Prince-Édouard. De nos jours, la Société nationale de l’Acadie regroupe les quatre organismes porte-paroles des Acadiens des provinces atlantiques et – surtout – les quatre organismes jeunesse de ces provinces. Elle compte également des membres affiliés en Atlantique, dans le Maine, au Québec, en France et en Louisiane. Son mandat est de représenter le peuple acadien sur les scènes atlantique, nationale et internationale et elle porte des dossiers relatifs à la culture et à l’immigration, entre autres. C’est aussi la Société nationale de l’Acadie qui est chargée d’assurer la tenue des Congrès mondiaux acadiens tous les cinq ans.

Mais ce qui fait la particularité de la Société nationale de l’Acadie, c’est une gouvernance qui inclut le mouvement jeunesse, une gouvernance selon laquelle le poids politique des jeunes équivaut à celui des adultes.

L’Acadie actuelle ne peut pas exister sans ces jeunes dont le dynamisme, l’intelligence et la sagesse sont évidents. Comme les autres jeunes de leur génération, ces jeunes Acadiens s’impliquent dans des mouvements de revendication et de justice sociale qui s’articulent actuellement autour de la sécurité linguistique, de l’équité ainsi que de l’acceptation de soi et des autres, peu importe l’orientation sexuelle, la race, l’origine ou la religion. Ces jeunes font preuve d’une ouverture d’esprit et d’une inclusion dont nous pourrions tous nous inspirer.

L’Acadie de l’avenir ne pourra pas non plus exister sans ces jeunes Acadiens et ces jeunes Acadiennes qui sont déjà des leaders solides. Pour vous en convaincre, si ce n’est déjà fait, suivez-les sur les médias sociaux, participez comme observateur aux parlements jeunesse de l’Acadie et au Festival jeunesse de l’Acadie ou accompagnez-les lors de leurs multiples activités. Vous verrez rapidement à quel point ils sont rayonnants, à la fois ancrés dans le présent et tournés vers l’avenir.

L’Acadie de l’avenir passe également par ce mouvement jeunesse qui participe de plein gré et avec enthousiasme à la Francophonie canadienne par l’entremise de la Fédération de la jeunesse canadienne-française. En ce sens, la jeunesse de l’Acadie s’inscrit déjà dans un mouvement beaucoup plus grand, sur la scène nationale, et y contribue de très belle manière.

L’Acadie de l’avenir, écrivais-je, passe par ces jeunes Acadiens et Acadiennes de la Nouvelle-Écosse, de l’Île-du-Prince-Édouard, du Nouveau-Brunswick, de Terre-Neuve-et-Labrador et des autres provinces et territoires canadiens qui prennent peu à peu la place de ces grands hommes et de ces grandes femmes qui ont marqué et qui marquent l’histoire de l’Acadie. Elle passe aussi par ces Acadiens et ces Acadiennes qui œuvrent actuellement à l’international, qui sont conscients de leurs racines et qui sont le porte-voix de notre peuple. Elle passe par ces nombreux jeunes artistes, entrepreneurs et leaders, toutes catégories confondues, qui sont le miroir d’une Acadie vibrante, diversifiée et inclusive.

Et c’est de cette Acadie que je suis la plus fière.